Canard P&C

Publié le 29 juin 2024

Le point-and-click et le jeu d’enquête sont deux genres vidéoludiques cousins qui partagent un même point faible : la chasse au pixel caché et la résolution d’énigmes tarabiscotées peuvent parfois s’avérer longues et fastidieuses. Pour éviter ce côté rébarbatif, il faut savoir doser. Les berlinois du studio Happy Broccoli Games l’ont parfaitement compris. Duck Detective: The Secret Salami se boucle en moins de quatre heures et c’est un véritable bijou d’écriture et de game design.

Dans un univers très cartoon peuplé d’animaux anthropomorphes, on y incarne le canard Eugene McQuacklin, un détective privé sans le sou, fraîchement divorcé et accro non pas à l’alcool façon Inspecteur Canardo, mais au pain, façon colvert de jardins publics. Cet addiction est la cause de ses problèmes de couple tout comme de ses soucis d’argent. Par chance, une nouvelle affaire lui est proposée qui lui permettra peut-être de se refaire et de payer ses factures. Un employé de la société de transport par autocar BearBus le contacte pour l’engager afin qu’il détermine qui dans l’entreprise s’est rendu coupable du vol d’une gamelle qui n’était pas la sienne dans le frigo commun de la salle de repos des salariés. Rien de très grave semble-t-il, mais l’enquête révèlera, bien entendu, des enjeux d’un tout autre ordre.

Du côté du gameplay, on retrouve grosso modo les mêmes mécaniques de jeu que dans les deux titres marquants de ces dernières années que sont Return of the Obra Dinn (Lucas Pope, 2018) et The Case of the Golden Idol (Color Gray Games, 2022). Chaque interaction avec un personnage ou un élément du décor examinable permet de débloquer des mots-clés (noms propres, noms communs, verbes, adjectifs, lieux…) que l’on peut ensuite utiliser dans notre carnet de notes pour compléter des blancs dans des phrases pré-écrites. S’il est tentant de brute force par endroits, le nombre de combinaisons possibles est en général dissuasif et tout pousse à miser sur la réflexion plutôt que sur la chance. La difficulté reste raisonnable de bout en bout et vous ne devriez jamais être tenté d’aller consulter une soluce ou un walkthrough pour vous débloquer. D’autant plus que des indices, légers mais suffisants pour éviter au joueur de tourner en rond, sont proposés in-game. Chaque fois qu’une énigme est résolue, le canard appose un tampon sur la page du carnet idoine pour valider cette partie de l’enquête.

Niveau qualités artistiques, la DA très colorée, soutenue par une musique jazzy de polar, crée une ambiance dessin animé très agréable à l’œil, avec beaucoup de couleurs chaudes et des dessins à la fois simples et élégants. Les décors sont peu nombreux (on ne quitte jamais les locaux de la compagnie de transport), mais très détaillés et les animations plutôt minimalistes, car les personnages ressemblent fortement à des autocollants qui se déplacent en sautillant d’un point à l’autre de la scène. Cela n’est cependant pas gênant et tout à fait satisfaisant pour une production d’un studio de petite envergure. Le voice acting et l’écriture ciselée contribuent grandement au caractère immersif du jeu. Les employés de BearBus sont hauts en couleur et les répliques sont truffées de saillies humoristiques qui font toujours mouche. Les jeux de mots autour du terme duck sont évidemment légion et l’on notera en passant qu’un bon niveau d’anglais est requis pour vraiment apprécier le titre, car pour l’heure il n’existe de traduction française ni pour les voix, ni pour les sous-titres.

Sans trop en dire, le jeu revêt également une composante politique. En effet, il est suggéré vers la fin de l’histoire que la petite ligne, composée de seulement quatre stations, desservie par BearBus, connecte un territoire riche situé à l’ouest, à celui où se situe l’action, beaucoup moins favorisé, situé à l’est. Happy Broccoli Games étant un studio allemand, l’interprétation que l’on peut en faire semble claire. Mais rien de tout cela n’est à prendre trop au sérieux, car c’est bien l’humour, à travers une sombre mais rocambolesque histoire de trafic de salami, qui prévaut dans Duck Detective. Une première enquête particulièrement réussie donc, avec un héros bien posé dont on attend de découvrir, peut-être, les prochaines aventures dans un autre épisode ! On précisera que le studio avait déjà sorti un premier jeu d’aventure en 2021 intitulé Kraken Academy!! et qu’un troisième titre est déjà annoncé, un RPG baptisé Odyssey Island. Mais dans l’un comme dans l’autre, pas sûr qu’il existe un bouton permettant de faire coin-coin à volonté !


Quelques liens pour compléter :

Le site d’Happy Broccoli Games.

La page Steam de Duck Detective.

La page d’Happy Broccoli Games sur X.

L’OST du jeu sur YouTube.

Laisser un commentaire