Balles Maritimes
Publié le 21 avril 2025

Un genre est né en 2022 avec la sortie du minimaliste mais très addictif Vampire Survivors développé par l’Italien Luca Galante. On y affrontait des vagues d’ennemis, en vue top-down, convergeant inlassablement vers notre personnage que l’on ne pouvait que déplacer en utilisant les flèches directionnelles de notre clavier pour esquiver monstres castlevaniesques et autres abominations draculéennes à grand renfort de projectiles divers acquis au fil de nos gains d’expérience. Les tirs y étaient automatiques. Il suffisait de bouger. Suite au succès du titre, de nombreux studios ont entrepris de copier la formule et de la décliner en une foultitude de variantes, avec plus ou moins de réussite. J’en ai testé une bonne dizaine au fil des années. Parmi les franches réussites (du moins les propositions m’ayant positivement marqué), je retiendrai 20 Minutes Till Dawn (flanne, 2003), Halls of Torment (Chasing Carrots, 2024) et, dans une moindre mesure, Breaking Survivors (Axel Born, 2023), revisite du vénérable casse-briques à la sauce rogue. En ce début 2025, d’autres acteurs tentent encore de surfer sur la vague. C’est le cas d’Idan Rooze, développeur hiérosolymitain enseignant le game design à la Bezalel Academy of Art and Design de Jérusalem (l’école des beaux-arts locale). Après avoir publié toute une série de petits jeux sur itch.io, l’artiste s’offre une première grosse sortie sur Steam le 9 avril 2025. Le jeu s’appelle Nautical Survival et, encore en early access, je pense pouvoir affirmer qu’il s’agit d’un des futurs ténors de ce genre si particulier qu’on nomme le vampire-survivors-like.


Il s’agit d’un roguelike de type bullet heaven (à ne pas confondre avec le bullet hell, car ici on arrose plus les ennemis de projectiles qu’eux ne nous en envoient). On y pilote des petits bateaux aux trajectoires très réalistes (impossible de faire demi-tour sans décrire une boucle plus ou moins serrée) et notre frêle esquif se voit constamment assailli par tout un éventail de créatures marines allant de la tortue au requin en passant par des créatures mythologiques qui tiennent lieu de boss (il y en a trois dans cette version non encore définitive du jeu : une anguille géante, un crabe véloce et un kraken aux attaques multiples (tentacules, projectiles, nappes de substance toxique)). Vingt vagues d’ennemis s’enchaînent (les boss interviennent aux vagues 10, 15 et 20) auxquelles il conviendra de survivre, chacune apportant plus de créatures et de dangers que la précédente, nous obligeant à renforcer notre arsenal le plus rapidement possible. La gestion de l’économie et des améliorations ainsi que le contrôle de la trajectoire de notre navire (il tire automatiquement en faisant usage de toutes les armes acquises) sont la clé. Chaque monstre tué laissera à la surface de l’eau une ou plusieurs pièces. Les ramasser fera monter la barre d’XP du bateau et vous permettra de constituer un trésor de guerre à dépenser dans les différents bâtiments disposés aléatoirement sur la carte (marchand d’armes, usine produisant des pièces, phare dans lequel on peut recruter des membres d’équipage apportant des bonus en tout genre, bureau de poste proposant de livrer des lettres et des colis contre de l’argent, infirmerie). L’expérience, en particulier, vous servira à faire évoluer vos bateaux et vos marins (cartographe, cuisinier, mécanicien, pilote de course…). L’ensemble est très varié. Chaque navire dispose de capacités propres. Par exemple, le voilier bénéficie d’un bonus d’accélération lorsqu’il traverse une tempête, le yacht est assorti d’un joli pactole initial, le sous-marin permet de passer sous les îles et le brise-glaces de carrément éclater la roche pour ne pas être obligé de contourner les obstacles naturels (à condition du moins que les îlots ne contiennent pas de bâtiments). Les armes quant à elles vont du simple pistolet au fusil à pompe en passant par une ancre à faire tournoyer autour de sa coque ou encore des torpilles qui se mettent à traquer les ennemis si on les améliore au maximum. Pour encore plus de réjouissances, des courses sont proposées aléatoirement (collecte de drapeaux) ainsi que des objectifs de contrôle de zone. En cas de succès, notre embarcation passe en mode rampage, ce qui augmente fortement la cadence de tir pendant une quinzaine de secondes. Dégâts, portée, résistance de la coque, capacité à ramasser plus rapidement les pièces, tonnage (pour pouvoir embarquer plus de personnel et d’armes), de nombreux paramètres peuvent être ajustés au cours de chaque run. Plus vous faites monter les différents potards et plus la victoire sera facile à atteindre.


En termes de difficulté, Nautical Survival n’est pas un jeu facile. Certains modèles de bateaux (huit au total) sont plus difficiles à dompter (quelques-uns virent mal, d’autres sont plus fragiles…) et la chasse aux succès Steam (le fondement de ce type de proposition) saura vous occuper plusieurs dizaines d’heures. Un système de malus (huit au total) offre encore un peu plus de challenge une fois les techniques de base maîtrisées. Le game feel est tout simplement excellent, tant au niveau du pilotage que des sensations de tir. Chaque run dure environ une demi-heure et requiert une bonne dose de concentration. Retrouvez-vous encerclé par un banc de poissons, acculé contre un rocher, et c’est le naufrage assuré !

Enfin, arrêtons-nous un instant sur le deuxième gros point fort du jeu : sa direction artistique. La palette de couleurs froides (qui contribue à l’ambiance océane mais peut-être changée aux profit de teintes plus chaudes ou plus criardes) et les animations en pixel art de toute beauté ne sont pas sans rappeler d’autres pépites vidéoludiques récentes proposant d’évoluer en milieu aquatique. On citera notamment In Other Waters (Jump Over the Age, 2020) et Dave the Diver (MINTROCKET, 2023). La musique, elle, se fait discrète, mais les effets sonores se marient parfaitement au reste du titre.

Early access oblige, Nautical Survival est encore incomplet et Idan Rooze prévoit d’enrichir son œuvre au fil des mois à venir. De nouveaux bateaux, au moins un nouveau boss, de nouvelles armes et peut-être de nouveaux édifices, chacun d’entre eux disposant de son lot d’améliorations propres. Bien que le jeu soit parfaitement jouable dans son état actuel, on espère dans un futur proche quelques ajustements niveau équilibrage (seuls les builds équilibrés ou faisant la part belle à la vitesse et au ramassage des pièces semblent réellement solides et je trouve dommage que les boss puissent s’échapper si on ne les a pas vaincus avant la fin du temps imparti), une traduction française et un système de cloud saves qui pour l’heure fait défaut. Je ne doute pas une seconde qu’à la sortie de sa 1.0 Nautical Survival sera un véritable joyau, au sommet de son genre dans la catégorie désormais si populaire du VS-like !
Quelques liens pour compléter :