Crypt of the Necromancer
Publié le 21 juin 2024
Le dungeon crawler est un genre vidéoludique né à la fin des années 70 et qui a connu son âge d’or lors des deux décennies suivantes avant de se faire plus discret au tournant du nouveau millénaire. On s’y déplace en vue à la première personne dans des décors en 3D, mais les mouvements ne sont pas complètement libres. On ne peut avancer que dans quatre directions, un mode de fonctionnement rendu obsolète par l’émergence des FPS modernes où l’on peut orienter librement la caméra. Si le genre date de la préhistoire du jeu vidéo, je ne l’ai vraiment découvert que cette année, grâce d’abord à l’excellent titre de l’Américain Michael Klaus Schmidt Islands of the Caliph (30 décembre 2023), puis à travers le jeu qui nous intéresse aujourd’hui : Cryptmaster, des développeurs Lee Williams et Paul Hart, édité par Akupara Games et sorti le 9 mai 2024.
VOIR INTERVIEW DE LEE WILLIAMS ICI !
SEE LEE WILLIAMS’S INTERVIEW HERE!
En réalité, pour être plus précis, Cryptmaster est un jeu hybride. C’est avant tout un dungeon crawler, mais c’est aussi ce que l’on pourrait appeler un typing game ou un word game. Le personnage que l’on incarne est en quelque sorte une hydre à quatre têtes. On a l’impression de ne contrôler qu’une personne, mais il s’agit en fait d’une équipe de quatre combattants, composée du guerrier Joro, de la voleuse / assassine Syn, du barde Maz et de la sorcière océane Nyx. On apprend au fil de l’aventure que nos quatre héros ont péri quelque temps plus tôt en affrontant une puissance démoniaque. Le repos bien mérité de leurs dépouilles est interrompu par un nécromancien : le Cryptmaster. Ce dernier les transforme en morts-vivants et les contraint à entamer un périple vers la surface à travers des catacombes sinistres, des bois obscurs et une mer souterraine désolée, dans le but de rejoindre la ville située à la verticale et la lumière du soleil. Très vite, on s’équipe d’un artefact appelé « pierre d’âme » qui nous permet d’ouvrir une porte parlante en lui faisant croire que l’on fait partie des vivants. S’ensuivront exploration, résolutions d’énigmes de difficulté variable et combats contre des ennemis tous plus excentriques les uns que les autres, dans le but de progresser toujours un peu plus sur le chemin menant vers le monde des hommes.
Le gameplay repose presque exclusivement sur l’utilisation de l’alphabet. On se déplace avec les flèches directionnelles, tout droit, en reculant ou en effectuant une rotation d’un quart de tour et on interagit avec les décors, les PNJ (personnages non joueurs) et les ennemis en tapant du texte au clavier. Pas besoin de la souris, juste de la touche « entrée » pour valider la suite de caractères saisie. CHEST pour ouvrir un coffre par exemple ou HIT pour déclencher l’attaque de base de Joro. Mais ce n’est pas tout. Les trésors découverts, les énigmes résolues, les insectes ou poissons attrapés et les monstres vaincus nous livrent tous une ou plusieurs lettres que l’on va pouvoir utiliser pour découvrir petit à petit les mots-clés correspondant aux pouvoirs des quatre héros et à certains de leurs souvenirs qu’ils avaient oubliés après leur décès. Ainsi, au lieu de faire monter une barre d’XP et d’acquérir de nouvelles compétences, comme dans la plupart des jeux de rôles, on réécrit le passé effacé de notre petite équipe, révélant des attaques de plus en plus redoutables (et des synergies entre ces dernières) dont chaque utilisation fait perdre une, deux ou plus de lettres (les barres de vie en sont également composées) aux adversaires rencontrés. Deux modes sont disponibles pour les affrontements : au tour par tour et en temps réel. J’ai effectué mon unique run de la seconde façon. Les combats sont parfois tendus, car il faut enchaîner les sorts et gérer les temps de rechargement des capacités de plus en plus rapidement. Rien de rédhibitoire, car la difficulté, de ce côté, est très bien dosée.
Le vrai challenge réside plutôt dans la résolution des énigmes, parfois corsées, d’autant plus que le jeu n’existe qu’en anglais. Un bon niveau est nécessaire pour pouvoir suivre les dialogues et, bien sûr, deviner les vocables attendus ! Ces énigmes se présentent pour l’essentiel sous forme de devinettes et, pour certaines, le nécromancien finira par nous donner un coup de pouce si l’on bloque trop longtemps. Impossible donc d’être vraiment coincé, ce qui est plutôt appréciable. Le jeu se boucle en une quinzaine d’heures, en prenant bien son temps et en jouant le jeu de l’exploration. Pour qui aimerait débloquer tous les succès, dix heures de plus me paraissent nécessaires, car le nombre de mots-clés liés à chacun des quatre personnages est gigantesque. J’ai fini le jeu en en ayant découvert moins d’un tiers. On notera la présence d’un jeu de cartes (le WHATEVER) à l’intérieur du jeu qui permet d’affronter certains des PNJ et de remporter des âmes nécessaires pour utiliser les pouvoirs en combat, ainsi qu’un intéressant système de points de sauvegarde représentés par des autels à déverrouiller en les « désacralisant » d’une façon ou d’une autre. Comment souiller un bloc de pierre et l’entité y résidant ? Vous laisserez libre cours à votre imagination…
Côté qualité artistique, le gros point fort est pour moi l’écriture. Les dialogues sont très drôles et l’humour omniprésent. La DA, épurée et en noir et blanc, flatte la rétine, avec des animations très propres et fluides. Dans les options, la possibilité est donnée d’ajouter quelques couleurs qui ne manqueront pas de rappeller les écrans des PC old school des années 80. Je recommande plutôt de rester en N&B, intention première des développeurs qui nous livrent là une déclaration d’amour aux jeux de leur prime jeunesse. La BO est elle aussi très agréable. Simple, elle berce le joueur et l’accompagne sans s’imposer, créant une atmosphère médiévale bon enfant qui contribue à renforcer l’ambiance néo-rétro accueillante de l’œuvre.
Cryptmaster est en somme un excellent dungeon crawler à la sauce 2024. Si vous ne connaissez pas le genre, comme c’était encore mon cas il y a quelques mois, il me paraît constituer une belle façon de le découvrir et de s’initier à l’art de ramper dans l’humidité de grottes et de donjons peuplés de créatures hostiles et fantasmagoriques, armé d’une épée, de quelques pouvoirs magiques, d’une grande dose de courage et d’une soif insatiable de découverte et d’aventure.
Quelques liens pour compléter la lecture :
La page de Cryptmaster sur le site d’Akupara Games.
La page officielle de Cryptmaster, tenue par Lee Williams, sur X.
L’OST de Cryptmaster, par le compositeur Surasshu, idéale pour accompagner une session de travail ou d’écriture !