Bonjour à tous, je vais vous présenter aujourd’hui le film de Denis Dercourt Demain dès l’aube…, film français sorti en 2009. Son sujet principal n’est pas l’escrime, mais elle est très présente tout au long de l’histoire. Mathieu Guibert, un pianiste renommé en pleine crise de la quarantaine, délaisse femme et enfant pendant quelque temps pour aller s’occuper de sa mère malade. Celle-ci le charge de surveiller son frère cadet, Paul, asocial et passionné par l’univers des jeux de rôles dans lesquels il se plonge à en perdre la raison. Toutes les semaines, il retrouve ses amis rôlistes au coeur de la forêt et rejoue avec eux les guerres napoléoniennes, en uniformes, avec interdiction pour chacun d’évoquer sa vraie vie extérieure au jeu. Mathieu accepte d’accompagner Paul dans ses activités historiques afin de découvrir son univers tout en veillant sur lui. Mais il se laisse prendre au jeu des dîners napoléoniens où chacun raconte ses faits d’armes et des duels à l’aube où l’on lave son honneur bafouée à la pointe de l’épée ou au son du pistolet. Les deux acteurs principaux (Vincent Perez dans le rôle de Mathieu et Jérémie Renier dans le rôle de Paul) sont magistraux et les reconstitutions historiques mises en place par les rôlistes parviennent à nous faire oublier par moments que l’on n’est pas en train de visionner un film historique. Le tout est agrémenté de plusieurs morceaux grandioses au piano.

Le film est passé je crois relativement inaperçu et n’a pas bien fonctionné en salles. Pourtant, l’ensemble est vraiment très réussi et devrait ravir tous les escrimeurs, car les scènes de duels à la rapière sont plus réalistes qu’artistiques. Le réalisateur a eu l’idée de ce film suite à un fait divers qu’il avait lu dans un journal, relatant l’histoire d’un rôliste blessé lors d’un combat à cheval pris trop au sérieux. Le film propose finalement une réflexion sur la ténuité des frontières entre réel et imaginaire, entre vie quotidienne et vie fantasmée, en un mot sur la puissance créatrice, et parfois destructrice, de l’esprit humain.

Le titre du film est le début du premier alexandrin d’un poème de Victor Hugo, écrit en hommage à sa fille défunte. Dans le film, aucun rapport, ces quelques mots faisant plutôt référence aux conventions des duels de l’époque où les deux partis se retrouvaient tôt le matin, au point du jour, pour s’entretuer. Voici ce poème, publié dans les Contemplations et écrit en 1847 :

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Côté culture de l’escrime, lors d’une scène où les deux frères discutent dans le jardin de leur mère et simulent un bref assaut à la rapière mouchetée, Paul exécute un geste technique (une botte) très en vogue à l’époque des duels, appelé « flanconade ». Il s’agit d’une opposition de quarte forcée qui se termine par une touche au flanc de l’adversaire. Difficile à placer en match aujourd’hui !

Bon film !

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