Chill Street
Publié le 5 décembre 2024
La pratique du jeu vidéo peut parfois se révéler éreintante. S’acharner contre un boss retors dans un Dark Souls ou un Sekiro, courir sous les balles des snipers dans un battle royale en ligne ou résoudre les énigmes obsédantes d’un The Talos Principle ou d’un The Entropy Centre, ces expériences exigeantes et parfois très consommatrices de temps (coucou aux joueurs de Baldur’s Gate 3 ou de l’addictif Balatro) ne peuvent être enchaînées à longueur d’année, sous peine d’écœurement. Pour respirer, il existe nombre d’expériences courtes et relaxantes qui savent donner le sourire sans faire souffrir à aucun moment. Le jeu qui nous intéresse aujourd’hui entre brillamment dans cette catégorie.
Sorti le 28 février 2024, Minami Lane a été créé en six mois par deux développeurs, un couple de Français composé de Doot (lui, à la programmation) et Blibloop (elle, qui s’est chargée du pan artistique). Il s’agit de leur premier jeu indépendant. Proposition casual parfaitement assumée, le titre nous propose de bâtir et de gérer une simple rue, dans une ambiance nipponne, ligne droite qui s’allonge à mesure que l’on en garnit le trottoir nord de commerces et d’habitations. Le principe est simple : on construit chaque jour un nouveau magasin, un nouveau parc ou une nouvelle résidence et on observe du lever du soleil jusqu’à la tombée de la nuit les habitants se rendre dans nos boutiques. Après avoir visité une échoppe, chaque client émet un avis que l’on peut consulter en cliquant sur le sprite avant qu’il ne regagne ses pénates. C’était trop cher, la boisson était trop sucrée, les ramens ne contenaient pas asse d’œufs ou au contraire trop de nouilles, il aurait fallu plus de tulipes et moins de roses dans les bouquets de fleurs… Ces remarques citoyennes permettent d’ajuster l’offre que l’on propose dans nos commerces afin de faire monter la jauge de satisfaction générale de la population. Trois autres paramètres sont à surveiller : les revenus (qui permettent de construire de nouveaux bâtiments et d’embellir notre rue), l’attractivité de la rue (plus il y a de parcs et de beaux édifices et plus les habitants seront heureux et les chats nombreux) et le nombre d’habitants, séparés en deux catégories simples, les jeunes et les vieux, auxquels se joindront en toute fin de jeu des yōkai, ces petits êtres surnaturels typiques de la culture japonaise que l’on cherchera à convaincre de venir s’installer dans notre quartier.
Pour gagner de l’argent, il conviendra de fixer le juste prix dans nos magasins afin d’attirer un maximum de clients tout en veillant à remplir nos caisses. Le jeu ne propose pas d’objectif purement mercantile. On dépense uniquement pour améliorer notre petit microcosme urbain et rendre ses habitants heureux (avec parfois tout de même un délai à respecter). Plusieurs tâches annexes permettent aussi de glaner quelques écus complémentaires : ramasser les détritus laissés sur le trottoir par des citoyens négligents, caresser les chats de passage, saluer les cyclistes ou encore dénicher le tanuki (ou chien viverrin), une créature choupinette dissimulée chaque jour dans le décor sous la forme d’un objet cliquable (une paire de lunettes abandonnée sur un banc par exemple ou un sac à dos gisant sur le macadam). L’argent récolté permettra de construire les différents types de bâtiments proposés (konbini (commerce de proximité japonais), fleuriste, marchand de disques, restaurateur, salon de thé…), avec pour objectif de plaire à un maximum de monde. Les jeunes et les personnes âgées n’ayant pas les mêmes goûts (définis aléatoirement à chaque début de mission), il sera nécessaire de posséder deux bâtiments de chaque catégorie, vers lesquels se répartiront automatiquement les clients des deux tranches d’âge.
Minami Lane est un titre bienveillant, aux couleurs chaudes et accueillantes. Tout y est fait pour donner la banane. Quatre heures suffisent à boucler les cinq missions proposées (chacune proposant un objectif principal et un objectif secondaire) et dès lors qu’une mécanique commence à sembler laborieuse, les auteurs nous sortent du chapeau une nouvelle fonctionnalité permettant de contourner le problème. On peut notamment bâtir un centre de services où l’on peut recruter deux agents bien pratiques : un qui ramassera les déchets pour nous (augmentant ainsi sans efforts nos revenus et la beauté de notre rue) et un qui se chargera d’interroger les clients à la sortie des magasins pour que l’on sache ce qui plaît ou non aux jeunes et à leurs aînés sans avoir à les pister avec notre curseur. On notera enfin la possibilité offerte, pour chaque nouvelle construction, de choisir entre plusieurs designs et plusieurs couleurs (on peut même repeindre les bâtiments à posteriori, juste pour le plaisir des yeux !), ce qui ajoute au petit bonheur tout simple mais efficace de composer des menus et de garnir des bouquets.
Si je ne suis d’ordinaire pas tellement friand de jeux casu au gameplay minimaliste qui distribuent trop facilement leurs récompenses aux joueurs, je dois reconnaître que Minami Lane a tout de suite su m’embarquer dans sa proposition. Il faut dire que derrière son air innocent très kawaï, il dissimule une mécanique bien huilée. C’est un bijou d’équilibrage au rythme parfaitement ciselé. Pour moins de cinq euros sur Steam, on ne peut que rêver d’une nouvelle tournée de bubble tea aux billes de tapioca ! Dans une rue parisienne ou new-yorkaise, pourquoi pas, à l’occasion d’un éventuel DLC ? J’attends en tout cas de pied ferme la prochaine production de Doot et Blibloop !
J’ai eu la chance de pouvoir m’entretenir avec Blibloop. L’interview est à lire ici :
VOIR INTERVIEW DE BLIBLOOP ICI !
Quelques liens pour compléter :