Sheepy, un feu d’artifices sensoriel mémorable et prometteur !

Publié le 1er mai 2024

Sheepy: A Short Adventure est un jeu de plateformes en pixel art sorti sur Steam et sur itch.io le 6 février 2024 après trois années de développement. Le titre se termine en moins d’une heure, deux tout au plus pour qui souhaite en débusquer tous les secrets. Il est le fruit de la collaboration entre plusieurs artistes liés à la chaîne YouTube canadienne aux plus de douze millions d’abonnés MrSuicideSheep, fondée par le mystérieux Sheepy. D’abord dédié à la musique électronique, le média a permis à divers talents de se rencontrer et de mener à bien de nombreux projets, musicaux pour l’essentiel, avec notamment la création d’un label baptisé Seeking Blue Records, mais aussi vidéoludiques, avec la mise en chantier d’un jeu, objet de ce premier article consacré au jeu vidéo indépendant.

Comme principaux acteurs derrière cette création, on trouve le Français Thomas Lean, pixel artist, au développement et au scénario, Rob Thomas à la production et à l’écriture, Lucas James, directeur de Seeking Blue Records, côté coordination musicale, tandis que les artistes Tal Richards, Hahlweg et Yoe Mase signent la BO. Sheepy lui-même semble avoir coordonné tout ce beau monde et, bien sûr, prêté son pseudo et son avatar au héros du jeu dessiné par Thomas Lean.

Niveau scénario, Sheepy se déroule dans un univers urbain post-apocalyptique à l’ambiance cyberpunk, dans les rues, puis les profondeurs d’une ville semble-t-il abandonnée, toute en nuances de métal et de béton, que seuls égaient les crépitements des néons et l’envol de quelques rares oiseaux. Le jeu commence sur un tas d’ordures où brille l’écran d’une vieille télévision. Sous elle gît un vieux piano, clin d’oeil à l’identité première du collectif MrSuicideSheep. Une lumière en jaillit soudain et s’infuse dans le corps inanimé d’une peluche en forme de mouton étendue sur le sol dont l’on prend alors le contrôle. On avance d’abord sans but réel, si ce n’est s’émerveiller devant la beauté des décors, puis, la géographie urbaine nous obligeant à nous enfoncer de plus en plus profondément dans les entrailles de la ville, on comprend vite qu’il va falloir trouver un moyen de revenir à la surface. Sans trop en dévoiler, la narration, à la fois environnementale et fondée sur la découverte de documents et d’audiologs distillant le lore avec parcimonie, nous plonge dans l’exploration des ruines d’une ancienne compagnie minière, le Belgin Institute, où semblent s’être déroulées depuis la fin du dix-neuvième siècle d’étranges expériences autour de l’exploitation de cristaux lumineux aux pouvoirs comme venus d’un autre monde.

La direction artistique est somptueuse. Le pixel art de Thomas Lean, de toute beauté, réalisé à l’aide du logiciel Construct, porté par des éclairages qui flattent la rétine, contribue grandement à l’immersion du joueur. L’aspect très kawaii du protagoniste contraste avec les horreurs montrées à l’écran, car les témoignages désespérés laissés par les ouvriers de Belgin près de leurs propres cadavres laissent entendre qu’ils ont été sacrifiés et abandonnés au fond de cette mine fantasmagorique par un employeur avide de profit, désireux de s’arroger le pouvoir contenu dans les cristaux. Et si les prunelles sont satisfaites, les oreilles ne sont pas en reste. La qualité de l’OST est à la hauteur de celle des graphismes, enchaînement de vingt-trois pistes de musique électronique et dynamique, s’accordant avec les actions du joueur. L’idée de l’équipe, avant tout issue de la sphère musicale, était de donner naissance à un jeu semblable à un album, d’une durée équivalente, environ quarante-cinq minutes, pour que jeu et bande-son ne fasse qu’un, unifiant ainsi les expériences sensorielles et ludiques du joueur.

Le gameplay, malgré le fort accent mis sur le son et l’image, n’a pas été laissé de côté. Au départ, notre personnage, Sheepy, se déplace dans toutes les directions à l’aide des flèches directionnelles, saute avec espace, y compris pour activer des boutons d’un bond et c’est à peu près tout. On se sent faibles et à la merci des dangers et des pièges qui parsèment ce monde déchu, à l’abandon. Puis le jeu nous octroie régulièrement de nouvelles compétences, à commencer par un classique double saut. On ne s’ennuie jamais. Il y a pas mal de zones cachées, optionnelles, à découvrir, mais le tout étant très ramassé, on ne tourne jamais en rond. Le plaisir de la découverte et de la nouveauté est toujours au rendez-vous, ponctué par plusieurs combats contre un antagoniste ursin. On ne peut pas frapper à proprement parler, mais l’environnement est notre allié. Je recommande fortement de boucler le jeu en une seule session, casque sur les oreilles, pour une immersion totale jusqu’au bouquet final.

Final ? Peut-être pas, car un point d’interrogation apparaît au bout de quelques secondes à côté du The End qui précède les crédits. J’essaierai de contacter Thomas Lean pour lui demander s’il a d’autres projets ou si le collectif MrSuicideSheep (indiqué comme développeur et éditeur du jeu sur Steam) prévoit de prolonger l’expérience et d’étendre l’univers esquissé de fort belle manière dans Sheepy: A Short Adventure. De l’indé crafté à la main, avec l’amour du pixel, sans assets générés par IA, une aventure compacte qui ne perd jamais en intensité et réjouit les sens à chaque nouveau pas, on en redemande ! Et il y a même la Tour Eiffel dedans.


Quelques liens intéressants pour compléter la lecture :

L’OST sur la chaîne YouTube de MrSuicideSheep.

Un premier devlog (2021) sur la chaîne YouTube The Art of MrSuicideSheep.

Un second devlog (2023), avec Thomas Lean qui parle de son pixel art.

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