Recenser toutes les oeuvres de l’esprit traitant d’escrime sportive est une tâche qui peut s’avérer frustrante. Pour ce qui est des livres, il y a de quoi faire. Par contre, côté ciné, c’est la misère ! By the Sword, que j’ai déjà présenté, est le seul long métrage de fiction ayant pour cadre le milieu de l’escrime sportive moderne (du début des années 90). Mais je ne vais cependant pas en rester là, car plusieurs autres films, bien qu’historiques, ont de quoi faire rêver les escrimeurs que nous sommes et donner envie aux néophytes de découvrir notre discipline. Je ne pense pas en disant cela aux films de cape et d’épée des années 50 ou 60. J’ai tenté hier de regarder le célèbre Scaramouche, celui de 1952, car j’avais entendu dire qu’il s’agissait de la référence du genre, mais malheureusement c’est presque irregardable. Le long duel final, réputé grandiose, frise le ridicule. Il s’agit d’escrime purement artistique, ce qui pourra plaire à certains, mais je ne suis pas client. Même les différents volets des aventures de Zorro, quoique très intéressants pour d’autres raisons, ne proposent pas une escrime très palpitante. Je leur préfère The Duellists de Ridley Scott, film splendide regorgeant de scènes de duels très réalistes.
Sorti en 1977, The Duellists est le premier grand film de Ridley Scott, réalisateur des génialissimes Alien, le huitième passager, Blade Runner et Gladiator, entre autres. Deux officiers de l’armée napoléonienne, Gabriel Féraud et Armand D’Hubert, interprétés respectivement par Harvey Keitel et Keith Carradine, se provoquent un jour en duel pour une broutille. D’Hubert l’emporte et, pour laver l’affront, Féraud cherchera pendant quinze années à affronter D’Hubert à la moindre occasion, tandis que ce dernier tentera vainement d’éviter de croiser le chemin de Féraud. De nombreuses scènes de duels entre les deux hommes, très bien réalisées et très crédibles, jalonnent l’histoire et encadrent des passages narratifs léchés aux décors intérieurs et aux paysages bucoliques de toute beauté rappelant des toiles des plus grands maîtres du XIXème. L’atmosphère n’est pas sans évoquer celle de Barry Lyndon, le chef-d’œuvre de Kubrick (dans lequel on peut également voir une sympathique scène de duel au fleuret). Les affrontements sont parfois brefs, mais très intenses. Pas de chichis, les chorégraphies sont simples, les attaques le plus souvent directes et l’ensemble donne l’impression que le but des personnages est d’aller à la touche et d’en finir rapidement, pas de se donner en spectacle. Les différents types de duels sont passés en revue : un au sabre à pied dans une ruelle, un à l’épée de cour dans un champ, un au sabre à cheval en chargeant, un au sabre dans une écurie étouffante (le moins réaliste de tous peut-être, car les personnages épuisés frappent au ralenti) et un au pistolet à le fin du récit. Et je parle là seulement des combats opposant Féraud et D’Hubert. Un duel supplémentaire est à ajouter, celui qui ouvre le film et donne le ton, entre Féraud et un autre soldat. C’est même je crois le plus réussi d’un point de vue esthétique et dramatique. Un grand moment de cinéma donc, à savourer d’un bout à l’autre.
Il est à noter que Ridley Scott s’est largement inspiré, pour écrire son scénario, de la longue nouvelle de Joseph Conrad, The Duel (1908). Je viens de la commander. Elle existe en version bilingue pour les amateurs. Je vous en dirai des nouvelles.
Bon film !