Le conspirationnisme nostalgique

Publié le 29 juillet 2024

The Operator est un jeu d’enquête développé par le jeune français Bastien Giafferi, originaire du Havre et fondateur du studio Bureau 81. Le concept est assez particulier, car il ne s’agit ni d’un point-and-click, ni d’un jeu à choix. L’ensemble est assez linéaire et vaut surtout le détour pour son ambiance très réussie.

On y incarne la jeune recrue du Federal Department of Intelligence, ou FDI (une version bis du FBI), Evan Tanner, embauché en tant qu’opérateur. Son boulot consiste à épauler les agents déployés sur le terrain en analysant depuis son bureau les documents de toutes sortes qu’ils lui envoient sur son ordinateur ou en allant chercher pour eux des infos dans la vaste base de données du FDI. L’interface se cantonne d’ailleurs à l’écran de cet ordinateur, encastré dans celui du joueur. On y manipule fenêtres et menus comme dans l’explorateur de Windows. On n’est donc pas dépaysé. C’est notre premier jour et notre superviseur, M. Skinner, nous plonge immédiatement dans le grand bain. S’enchaînent plusieurs petites missions en apparence banales où l’on nous demande d’identifier une personne apparaissant dans une vidéo ou de retrouver une adresse. La routine pourrait vite s’installer, mais ce n’est pas le cas, car le jeu ne nous laisse jamais souffler très longtemps. À peine le temps de finir de décortiquer un document qu’un nouvel appel nous oblige à concentrer toute notre attention sur une autre partie de l’écran et un nouveau déferlement de données et de consignes. C’est ce qui fait tout le sel du titre. Le joueur est constamment bombardé d’informations visuelles et sonores et c’est cette pression, cette sollicitation constante, qui nous maintient en alerte de bout en bout. D’autant plus qu’assez rapidement des connexions commencent à s’établir entre les différentes affaires, nous laissant entrevoir les contours d’une vaste conspiration liée aux expériences douteuses menées par un mystérieux laboratoire. Qui ment et qui dit la vérité parmi nos collègues ? Qui est le mystérieux HAL qui prend régulièrement à distance le contrôle de notre terminal ? On finit par ne plus trop savoir qui croire et à qui faire confiance.

Si le rythme et la durée (quatre heures grand maximum) sont impeccables, l’intérêt de The Operator repose grandement sur la qualité de son écriture et les prestations d’un panel de voice actors de haute volée (l’audio est intégralement en anglais, indispensable pour se croire à Washington). Les visuels sont sobres, mais leur côté épuré, très bureaucratique, contribue à l’immersion et à la crédibilité de l’ensemble. Un ensemble fortement inspiré par la série policière et science-fictive des années 90 X-Files. Le FBI, une référence à un enlèvement par des extraterrestres, une conspiration gouvernementale, le directeur Skinner et jusqu’à l’année où se déroule l’action (1992, juste un an avant le début de la série). J’ai cru déceler également quelques influences vidéoludiques, avec une interface qui rappelait parfois, dans ses effets sonores, celle du système Esper de Blade Runner (présent dans le jeu d’aventure (Westwood, 1997) et dans le film (Ridley Scott, 1982)) et une similitude globale avec l’antique Spycraft (Activision, 1996), que je testerai peut-être d’ici peu. Petite anecdote : le visage du protagoniste, qui apparaît dans la HumanDB (la base de donnée humaine) du FDI, est celui du développeur Bastien Giafferi lui-même !

Attention, quand vous atteindrez les crédits de fin de jeu, ne partez pas trop vite ! Une brève cutscene, après le générique, suggère la sortie ultérieure d’un DLC ou d’une suite. Ou du moins que tous les mystères n’ont pas été résolus. Peut-être, en outre, que d’autres enquêtes suivront, avec le même modèle de gameplay, finalement pas si répandu. La naissance d’un X-Files 2.0 à la française ? L’avenir le dira, ou l’auteur lui-même si je parviens à décrocher une interview !


Quelques liens pour compléter :

La page Steam de The Operator.

La page de Bureau 81 sur X.

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